L’éducation populaire pour le changement social

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A l’occasion de l’Université d’Été des Mouvement Sociaux et des Solidarités (du 23 au 27 août à Bobigny), le CRID a coordonné une journée d’échanges internationaux sur l’éducation populaire, avec Tournons la Page, Iteco, Ritimo, l’ONG Thydewa, ainsi que l’AQOCI.   

Comment l’éducation populaire permet de prendre du recul sur nos représentations ? Quelle est la place de cette imagination d’autres possibles dans une perspective de changement social ? Retour sur une journée d’échanges internationaux extrêmement riche et instructive !

 

La place de l’art dans la lutte pour la démocratie

Avec le réseau d’arctivistes africain.e.s, en lien avec Tournons la page, nous avons pu prendre conscience de l’importance des formats artistiques et créatifs. Ils permettent de rassembler, d’appeler à l’unité et à l’action collective tout en donnant de la force aux mouvements pour la démocratie en Afrique. L’art est apparu à la fois comme un rempart contre les oppressions en favorisant la déconstruction individuelle et collective, mais également comme un moyens de favoriser l’unité des luttes et le partage des savoirs. 

 

Vidéo extrait de l’atelier sur la place de l’art dans les luttes pour la démocratie où Elom 20ce et Nanda membres du collectifs d’artistes panafricains engagé·es dans la campagne de #limitation2mandats ont partager leurs arts.

 

La cartographie radicale

l’ONG Belge ITECO nous a donné à voir l’importance des cartes dans la (dé)construction des imaginaires. Cet outil puissant, généralement au service du discours dominant, peut facilement être réapproprié au service des mouvements sociaux. Le territoire est un espace de lutte, les cartes en sont des outils d’éducation populaire pour rendre visible l’invisibilisé, pour dénoncer, et pour reprendre du pouvoir sur ce qui est faussement présenté comme « neutre ».

La Maison des droits de l’Homme de Limoges a partagé son expérience avec les habitants de quartiers populaires. Pour remettre en question les discours dévalorisants sur ces quartiers, ils ont cartographié tous les engagements et talents des habitants de ces quartiers afin de les envoyer aux partenaires institutionnels.

 

 

L’après-midi, consacrée à la lutte contre les rapports de domination dans nos pratiques d’éducation populaire a permis aux participant-es de se décentrer en donnant à voir d’autres rapports aux mondes et aux autres.

Nos représentations sont ancrées culturellement :

En introduction, l’ONG Thydewa a interrogé le groupe sur les représentations que nous nous faisons des valeurs de la devise française. Quand on dit liberté, égalité, fraternité, quelles images voyons-nous ? A quelles représentations ces valeurs sont-elles rattachées ? Les expressions du groupes ont permis de voir une diversité d’approches. L’intervention de Mariela Tulian, Cheffe autochtone argentine, nous a partagé que ces notions sont intimement liées et se travaillent dès l’accouchement et tout au long de la vie. C’est, par exemple, la même pierre rituelle remplie d’eau qui accueille le bébé et qui permet de soigner les relations familiales, de couple, d’amitié …  

Différentes représentantes autochtones ont témoigné de l’importance de réhabiliter les émotions et la spiritualité dans les pratiques éducatives. C’est une manière de reprendre du pouvoir suite à la colonisation des territoires, mais aussi des corps et des cœurs.

Décoloniser la pratique éducative c’est aussi choisir les mots employés.

Par exemple, le nom Amérique Latine vient de Amerigo Vespucci, un explorateur florentin qui a compris le premier qu’il était arrivé sur un autre continent que l’Asie. Le nom de l’Amérique ne vient donc pas des peuples autochtones de ce continent mais est étroitement lié aux expéditions qui ont permis sa colonisation. C’est pourquoi le nom d’Amérique Latine est contesté et que les peuples autochtones lui préfère Abya Yala « Terre dans sa pleine maturité » en langue Kunas, peuple indigène de l’isthme de Panama. 

« Tant que les lions n’auront pas leur propre histoire, l’histoire de la chasse glorifiera toujours le chasseur », écrivait le grand auteur nigérian Chinua AchebeIl. C’est vrai, l’histoire est écrite par les vainqueurs. Mais qui va alors écrire l’histoire des vaincus? Pour lutter contre les dominations, il est indispensable de donner à voir d’autres points de vue et notamment celles des peuples autochtones. Ce n’est pas Christophe Colomb qui a découvert l’Amérique, mais Abya Yala qui a été colonisée par les Européens. Et cela change tout.

Dans ce contexte, comment ne pas reproduire des dominations dans nos actions de solidarité internationale ? L’AQOCI,  Association Québecoise des organismes de coopération internationale, nous a partagé l’importance de la posture. Il ne faut surtout pas parler à la place de mais travailler en partenariat. En particulier, au Canada, ils font le choix d’appuyer des luttes autochtones autodéterminées.

Le Réseau Femme Lève toi (Reflet) a également témoigné de sa démarche pour renforcer le pouvoir d’agir des femmes. En travaillant sur la confiance en soi, via des formations à la prise de parole en public, le Reflet permet à des femmes de se mobiliser et de porter leurs problématiques et revendications à l’échelle politique. La majorité des femmes accompagnées en ressortent avec une meilleure connaissance de leurs droits, se sentent l’égale de l’homme, et obtiennent une meilleure reconnaissance sociale. Certaines se sont même présentées pour devenir députées !

Au cœur du réseau Reflet, il y a la vigilance de posture : partir des problèmes des femmes, quels qu’ils soient, et de les former pour qu’elles puissent elles-mêmes les dénoncer et proposer des solutions.

En bilan, nous retenons l’importance des échanges internationaux pour prendre conscience d’autres réalités et se décentrer dans nos représentations. Nos pratiques éducatives sont multiples, et nous avons tout intérêt à mieux connaître cette diversité pour s’inspirer mutuellement !

Dans le travail d’éducation populaire et de solidarité internationale, la posture est essentielle : ne pas faire à la place de, mais appuyer les dynamiques autodéterminées des peuples et groupes sociaux marginalisés afin qu’ils puissent porter eux-mêmes leur voix !

 

>> Pour aller plus loin :

Sur la place de l’art dans les luttes pour la démocratie en Afrique

Clip des artistes panafricains autour de la campagne de limitation des mandats

Teaser du film d’Elom 20ce, visant à alerter sur la situation des prisonniers politiques

Slam de Nanda « Cancer du colon »

Sur la cartographie radicale

– Le livre « This is not an atlas » (téléchargeable gratuitement):

– L’entretien de P. Rekacewicz et N. Zwer sur France Culture « Rebattre les cartes, débattre des cartes » :

– Le site de Nepthys Zwer « Imago Mundi« 

– Lien vers le collectif argentin/sudaméricain de contre-cartographes « Iconoclasistas » : https://iconoclasistas.net/

 

 

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