L’expression artistique comme outil d’émancipation collective

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Rencontre avec Leslie et Noémie de l’association Arts en Acte à Toulouse.

« L’idée c’était de se dire il y a des personnes qui ont vécu des choses dont on parle beaucoup dans les médias, mais au lieu de parler des individus on massifie beaucoup, on met des étiquettes. On avait envie de sortir de ça et de permettre aux personnes directement concernées de partager des récits individuels, qui n’étaient pas généralisables. On pensait que ça pouvait faire tomber des stéréotypes et des idées reçues en étant dans la petite histoire.» Noémie, coordinatrice artistique de Arts en Acte.

L’association Arts en acte – Vivre nos cultures ensemble a été fondée en janvier 2020, dans l’idée d’ouvrir des espaces d’expression et de création artistique pour des personnes qui y ont peu accès. Le projet vise à proposer des espaces d’expression et de création artistique en mixité sociale, culturelle et générationnelle. Il est né d’une rencontre avec une association toulousaine qui accompagne les personnes afghanes dans l’accès aux droits.

« C’est autour des rencontres que le projet s’est créé petit à petit. Les participants ont commencé à partager des choses, à dire qu’ils ne voulaient pas être seulement entre eux, entre personnes qui ont vécu l’exil mais aussi avec d’autres personnes qui ont d’autres vécus. Donc on a ouvert en se disant que c’était la mixité qui fait la beauté du projet. » Noémie

A son commencement en janvier 2020, le projet a d’abord pris la forme d’ateliers théâtre. Puis l’arrivée du Covid et des restrictions sanitaires ont amené à repenser les choses, des ateliers d’écriture plurilingues ont alors été proposés. Il en est ressorti de très beaux textes autour de l’exil, l’envie de les partager et les mettre en valeur. Une première collaboration artistique a alors été lancée avec un compositeur de musique électro acoustique pour réaliser une création sonore à partir des lectures de texte. Puis il y avait aussi l’envie de mettre en corps et en jeu ces textes. De nouvelles collaborations artistiques ont émergées autour de la danse et du théâtre.

« Ce qui est intéressant, c’est qu’il y a vraiment quelque chose autour de la rencontre. Le projet se tisse à partir de petites idées singulières. » Leslie, danseuse, et chorégraphe au sein d’Arts en Acte

Pendant une résidence artistique de deux jours à la montagne, les participant.e.s ont donc expérimenté de nouvelles formes d’expressions artistiques entre le théâtre, l’aquarelle et la danse. Cette année, un nouveau projet de vidéo danse a été lancé, dans l’optique de s’inscrire dans le territoire de Toulouse. L’idée est de pouvoir se réapproprier les espaces par la danse, dans les rues de Toulouse puis à la montagne. Ces différentes formes de création artistiques ont permis de donner à voir d’une façon originale les récits et parcours de vie des personnes exilées, pour favoriser un changement de regards et la déconstruction des stéréotypes. 

« Le moment du spectacle, le moment de l’exposition pour les personnes qui viennent voir c’est un moment d’ouverture assez extraordinaire dont il faut s’emparer politiquement. Lorsqu’on va voir un spectacle, on prend une heure et là il y a une ouverture, on est disponibles, on vit collectivement quelques chose. Il y a quelque chose qui se passe sur scène qui s’adresse à tous en même temps. C’est l’aspect politique du théâtre et du lieu culturel dont on voulait s’emparer. » Noémie

Mais au delà du résultat présenté au public, l’équipe d’Arts en Acte s’est rapidement rendu compte que les moments les plus forts se trouvaient dans la démarche de co-création artistique. C’est dans ces espaces-là, que l’on retrouve de l’écoute mutuelle, de la bienveillance et où se croisent différentes langues, vécus et imaginaires.

« Il y a quelque chose du collectif, du pouvoir qu’on se donne.» Noémie

La question de la place de l’art dans le soin et la reconstruction individuelle est rapidement apparue dans le projet, bien que la thérapie ne faisait pas partie des objectifs initiaux du projet.

« La démarche ne vise pas une perfection artistique ou un apprentissage technique mais l’idée est de se dire qu’ on vient avant tout pour être ensemble, pour se faire du bien. Il y a quand même cette nécessité de poser un cadre bienveillant qui puisse accueillir des personnes avec des difficultés diverses. » Leslie

Il s’est alors avéré essentiel de mettre en place un espace de confiance. Au début de chaque atelier, un cadre est posé pour que les participants se sentent en sécurité et accueillis, en rappelant l’importance de la bienveillance pour pouvoir vraiment expérimenter et créer ensemble. 

« Je rappelle que je ne suis pas un professeur qui vient donner un cours. On est un ensemble d’artistes, moi je propose des dispositifs pour expérimenter et chacun vient y apporter ce qu’il veut. Ça permet que chacun se sente libre de s’exprimer. » Leslie

Les ateliers sont également proposés en plurilingues pour affirmer le droit de chacun.e à s’exprimer dans la langue avec laquelle ils se sente le plus à l’aise au moment où il est là. L’idée étant de pouvoir proposer un cadre d’expression qui soit le plus large possible, de lâcher les consignes et directives trop spécifiques afin d’accueillir au mieux ce qui vient des participant.e.s. Ce qui est central dans ce travail, c’est l’écoute mutuelle.

« Il y a parfois des personnes qui connaissent à peine le français, mais si ils se sentent autorisés quand ils le désirent à écrire directement en français. C’est aussi parce qu’ils se sentent bien dans cet espace, qu’ils sentent qu’ils peuvent le faire et qu’ils ne seront pas jugés. » Noémie

Noémie et Leslie malgré tout partagent un point d’attention a ne pas aller trop vite dans les promesses de soin apportés par l’art. Elles donnent l’exemple d’un participant qui a décidé de parler de son homosexualité en lien avec son parcours d’exil et de la mettre en scène trois jours avant le spectacle. Il pensait alors que cette expression soudaine pourrait le libérer, l’art étant souvent présentée comme une pratique libératrice. Mais pour lui, cette expression s’est révélée plus difficile qu’il l’imaginait au départ.

« Il faut qu’ on fasse attention à ce qu’on présente comme ce que l’art peut offrir parce qu’on a pas les mêmes vécus.Ce que l’art peut nous apporter depuis le confort que l’on vit, ce n’est pas la même chose que dans une situation de perte de repères. » Noémie 

Noémie et Leslie admettent de pas pouvoir préjuger à leur place l’impact que peuvent avoir les ateliers sur les participant.e.s. Mais d’un regard extérieur, elles ont tout de même le sentiment que quelque chose se passe, dans le fait de retrouver un espace de confiance, d’écoute, de création, un espace où on peut aussi retrouver une dignité et des moments de joie dans l’appartenance à un collectif.

 « Pouvoir produire de la beauté, transmettre de l’émotion aux gens, je pense que ça soigne. » Leslie

 

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