A l’occasion de l’Université d’Été des Mouvements Sociaux et des Solidarités, le CRID a porté avec ActionAid et Adéquations, un parcours d’ateliers autour de la justice climatique décoloniale et féministe. Voici quelques éléments, qui sont ressortis de ces ateliers.
Au nom de la transition énergétique, un projet extractivisme destructeur
Dans le nord de l’argentine, on observe l’avancée de l’extraction des ressources, notamment du Lithium, au nom de la transition énergétique. En effet, le Lithium est une ressource nécessaire à la fabrication des batteries, notamment celle des véhicules électriques. En 2022, 4 pays produisent 93,4% du lithium dans le monde : l’Australie, le Chili, la Chine et l’Argentine. Or, cette production a des conséquences dévastatrices sur l’environnement et les droits humains, notamment dû à la consommation d’eau et la pollution de l’eau et de la terre.
En République Démocratique du Congo, l’exploitation de minerais rares par des multinationales occidentales (tels que le coltan, nécessaire à la fabrication de smartphone), continue de bénéficier aux anciennes puissances coloniales tout en alimentant un conflit ayant causé déjà causé plus de 6 millions de morts.
L’extraction minière est née de l’époque coloniale et aujourd’hui encore, c’est dans les territoires habités par des populations autochtones qu’elle avance le plus. Ces dynamiques d’oppression et d’exploitation se retrouvent dans des logiques similaires d’un continent à l’autre.
Il est donc important de dénoncer les fausses solutions que peut comporter la transition énergétique, mais également d’enquêter et dénoncer à quoi servent réellement ces ressources. En effet, beaucoup de minerais exploités, au nom de la transition énergétique, sont en réalité destinés à l’aéronautique et au secteur de l’armement.

Les enjeux écologiques ne peuvent pas être analysés de manière décorrélés du féminisme. Par exemple en RDC, le conflit, alimenté par la bataille des ressources naturelles, atteint le corps des femmes qui est utilisé comme arme de guerre. Pour certaines communautés, cette logique est similaire à celle de l’extractivisme, perçue comme un viol de la terre.
La question de la souveraineté alimentaire a également été abordée, notamment en Afrique, où dans de nombreux pays, les multinationales accaparent les terres, les semences et l’eau empêchant ainsi toute possibilité pour les populations de subvenir à leurs besoins primaires.
Quelles perspectives pour une écologie juste, solidaire et inclusive ?
Documenter, tracer et dénoncer
Un premier aspect concerne l’importance de tracer, documenter et partager une information fiable afin de permettre une compréhension plus fine de ces sujets et des rapports de force qui sont en jeux : Qui sont les acteurs qui interviennent dans l’extraction ? Où va l’argent ? Quels pays s’enrichissent ? Quelles entreprises ? Cette compréhension est nécessaire pour dénoncer les fausses solutions et documenter l’impact sur les droits des peuples et l’environnement, mais également d’enquêter sur l’utilisation réelle qui est faite de ces minerais.
Réformer les instances internationales
Un autre enjeu concerne les réformes des espaces de concertation et de décision multilatéraux. Par exemple, les COP Climat, mais également les COP biodiversité ou désertification semblent essentielles pour préserver l’habilité de la planète. Par ailleurs, la cour internationale de justice peut être un levier puissant pour pousser les États à prendre leurs responsabilités en matière de protection des droits humains et de l’environnement.
Cependant, les voix des peuples, notamment celles des peuples autochtones ne sont pas suffisamment représentées dans ces espaces. Les participant·es à l’atelier ont notamment dénoncé le fait que de nombreuses décisions sont prises sans le consentement ni la voix des habitant·es des suds. Une réforme des instances onusiennes semble donc essentielle pour mieux intégrer les voix du sud global, notamment celle des organisations de la société civile.
L’association Debt for Climate dénonce également l’impact de la dette sur les personnes et les zones les plus impactées par le dérèglement climatique. L’annulation de cette dette semble indispensable pour permettre à tous les pays de financer l’atténuation et l’adaptation au dérèglement climatique. Des initiatives naissent dans ce sens, c’est pas exemple le cas de l’audit citoyen de la dette portée par le CADTM et ATTAC.
S’appuyer sur les cadres législatifs existants, et contribuer à en créer de nouveaux peut permettre de contraindre les États au respect des droits. C’est par exemple le cas de la loi française sur le devoir de vigilance qui depuis 2017, permet de faire pression sur les entreprises qui ne respectent pas les droits humains, la sécurité de ces travailleur·euse·s, l’environnement ou encore qui ont des pratiques de corruption.
De nouveaux récits et de nouveaux imaginaires
Construire le monde de demain signifie également repenser nos récits et imaginaires. Cela passe notamment par une réflexion sur le langage que nous utilisons. Des militant·es venu·es d’Amérique Latine, proposent par exemple de remplacer le terme “Amérique”, venu des colonisateurs, par le terme “Abya Yala”, utilisé par certains peuples autochtones bien avant l’époque coloniale pour désigner cette terre.
La pratique de l’agroécologie peut également ouvrir une nouvelle voie pour vers la souveraineté alimentaire, entendue comme « le droit des peuples à une alimentation saine et culturellement appropriée, produite par des méthodes durables, ainsi que leur droit à définir leurs propres systèmes alimentaires et agricoles. » Déclaration de Nyéléni (Forum international pour la souveraineté alimentaire, Mali, 2007)
Enfin, la notion de décroissance nous invite à repenser notre rapport à la production et à la consommation pour répondre aux besoins des populations tout en préservant une planète viable pour les générations actuelles et futurs.
Et du soin dans nos luttes !

Enfin, des militant.es venant des suds ont invité les habitant.es du nord à réfléchir à leur posture, notamment vis à vis du rapport à la terre et aux ancêtres.
Abundia Alvarado, une militante d’origine mexicaine vivant aux Etats-Unis, nous invite à remettre la question du soin au cœur de nos luttes. Abundia milite au sein d’un collectif composé de personnes migrantes, queer et autochtone, rassemblées autour d’un projet communautaire leur permettant de reprendre du pouvoir sur leur vie. A travers ce projet, les militant·es ont appris à repenser leur rapport à la forêt, à la terre et à l’alimentation, notamment au travers d’un projet de cuisine autonome.
Quelques outils pédagogiques pour parler d’écologie décoloniale et féministe :
- Carré genre et agroécologie par Le Monde selon les femmes
- L’écologie décoloniale c’est quoi ? par Lafibala
- Voyage au cœur de l’Amazonie : défis et luttes, par le Secours Catholique Français
- No Congo no phone, par Génération Lumière