Réflexions sur la crise de la Covid-19

On s'équipe !

La crise de la Covid-19 impacte fortement les solidarités, aussi bien en France que dans le monde. Pourtant, ce sont bien les solidarités, articulées au niveau local, national et international, qui pourront permettre de construire des réponses équitables, cohérentes et durables aux défis actuels. Les réflexions ci-dessous n’ont pas vocation à constituer un positionnement commun aux membres du Festival des Solidarités, ni prétention à être une analyse exhaustive, mais visent à partager entre nous quelques questionnements, étonnements et convictions, pour pouvoir mieux penser notre action. Nous avons souhaité mettre en lumière des liens entre les enjeux de la crise et ceux sur lesquels nous travaillons depuis des années. Nous espérons qu’ils pourront nourrir nos réflexions et actions à venir, et vous invitons à les découvrir, les approfondir et les enrichir. 

N’hésitez pas à nous faire part de vos réflexions et réactions suite à la lecture de ce texte en écrivant à la coordination nationale du Festisol : animation@festivaldessolidarites.org.

Objectifs du texte : 

Partager des réflexions sur la crise et ses enseignements
Valider la pertinence de l’Education à la Citoyenneté et à la Solidarité Internationale (ECSI) au regard des enjeux renforcés par cette crise
Pointer les enjeux pour les acteurs d’ECSI

 

I/ Une crise qui met en lumière les failles du système économique et politique mondial

 

a/ Des inégalités renforcées dans tous les pays

En situation de crise, les inégalités déjà présentes produisent des effets amplifiés.

Les catastrophes sont toujours co-produites : aux forces naturelles s’ajoutent les forces sociales, politiques et économiques. La pandémie actuelle agit comme une caisse de résonance, elle ne frappe pas de la même manière selon nos conditions d’existence, et vient de ce fait amplifier les inégalités déjà à l’œuvre.

Exilé·e·s et sans-papiers ne bénéficiant d’aucune protection sociale, victimes de discriminations racistes, femmes victimes de violences patriarcales, assignées aux travaux domestiques et de soin, enfants issus de milieux précaires ou victimes de violences au sein du foyer, travailleurs et travailleuses pauvres, personnes vivant à la rue ou dans la précarité, personnes âgées, handicapées, vivant dans des institutions fermées, personnes enfermées en centre de rétention, en milieu carcéral ou dans des hôpitaux psychiatriques… Partout sur la planète, tou·te·s souffrent doublement de cette crise sanitaire qui renforce les violences et les discriminations à leur encontre et rend leurs conditions de vie encore plus difficiles.

Les femmes, plus exposées que les hommes à la précarité, sont en première ligne durant la crise. Dans les pays du Nord, elles sont surreprésentées dans les emplois liés au “care” : aides-soignantes, enseignantes, caissières… Elles récoltent des applaudissements et des promesses, mais obtiendront-elles de réelles améliorations de salaires et de conditions de travail ?

Par ailleurs, la pandémie exacerbe les inégalités liées à la couleur de peau. Etre issu·e de minorités raciales est un facteur supplémentaire de vulnérabilité aux épidémies et de mortalité face à la Covid-19. Dans ce contexte, et suite à la mort de Georges Floyd aux Etats-Unis, le mouvement “Black Lives Matter” a connu une forte accélération, obligeant certains gouvernements à reconnaître partiellement la réalité des violences policières. Si les mesures prises sont encore largement symboliques et ne s’attaquent pas en profondeur aux discriminations, l’essor de ce mouvement constitue néanmoins une source d’espoir pour l’avenir.

La lutte contre les inégalités, portée par les acteurs Festisol, nous semble plus que jamais d’actualité. Quels que soient nos sujets de prédilection (inégalités sociales, basées sur le genre, le handicap, etc.), la situation observée lors du confinement peut être un point d’entrée pour comprendre et articuler les liens entre les enjeux à l’oeuvre.

La crise met en lumière la pertinence de nos actions et nous pousse à les renforcer. Elle rend également visibles des questions complexes comme la dimension intersectionnelle des dominations (ou comment le fait de cumuler les discriminations liées au genre, au territoire, aux conditions sociales, à la couleur de peau, à l’orientation sexuelle, au handicap, aux croyances, etc, implique une plus grande vulnérabilité et une expérience singulière).

Nous pouvons nous appuyer sur ce vécu récent pour permettre aux publics de nos animations de percevoir cette dimension intersectionnelle. Cela peut se faire en donnant la parole aux personnes concernées par ces sujets pour, à partir de leur expérience, alimenter la réflexion sur les logiques à l’œuvre.

 

b/ Des systèmes de santé au bord de la rupture 

L’idéologie néolibérale, qui dévalorise la dépense publique, nuit à la santé au nom d’une logique comptable.

Voilà des décennies que dans de nombreux pays, y compris en France, les systèmes de santé publics subissent les coupes budgétaires prescrites par les tenants de l’idéologie néolibérale. Les hôpitaux sont astreints à la “rentabilité” sans que soient pris en compte les apports réels des systèmes de santé à la société. Au fil des années, le fonctionnement des hôpitaux a été profondément désorganisé, et beaucoup ne tiennent que par le dévouement des personnels, souvent forcés à troquer leur blouse de soignant·e contre une casquette de gestionnaire. Par ailleurs, dans bien des pays, la situation est aggravée par l’absence de sécurité sociale, ce qui prive une grande partie de la population d’accès aux soins faute de revenus suffisants.

On peut à ce titre estimer que l’échec face à la pandémie ne date pas de l’année 2020, mais qu’il résulte largement de choix budgétaires et politiques réalisés par le passé, lorsque la santé publique a été considérée comme un secteur que l’on pouvait négliger et privatiser. Si l’on manque déjà de lits, de personnels et d’équipements pour prodiguer les soins et mener à bien les opérations de tous les jours, il est tout à fait impossible de mobiliser les ressources nécessaires pour soigner tou·te·s les patient·e·s en temps de pandémie. Certains pays, comme l’Allemagne ou l’état du Kerala en Inde, ont toutefois fait des choix différents, et leurs capacités hospitalières sauvegardées leur permettent de mieux traverser la crise. Un changement complet d’approche est nécessaire, tout le monde le reconnaît (1), mais les responsables politiques en seront-ils capables ? 

En tant qu’acteurs d’Education à la Citoyenneté et à la Solidarité Internationale, il nous semble pertinent de s’appuyer sur notre vécu commun pour creuser la question du droit à la santé pour tou·te·s, alors que notre interdépendance sanitaire à l’échelle mondiale est mise en lumière par la pandémie. Comment cet enjeu d’accès à la santé nous permet-il d’éclairer la notion de bien commun ? Est-ce que la santé est un bien commun de l’humanité ?

Par ailleurs, il peut être intéressant de voir comment l’enjeu de l’accès à la santé pour tou·te·s permet de prendre du recul sur les logiques de rentabilité dans le secteur sanitaire. 
Avec comme point d’entrée l’accès à la santé, peut-être pourrions-nous faire des liens intéressants avec d’autres secteurs à préserver de la logique de rentabilité (accès à l’alimentation, au logement…) et avancer sur des notions de respect des droits, d’autonomie, de souveraineté…

c/ Un environnement dégradé

La mondialisation et les atteintes à l’environnement favorisent les pandémies.

Notre mode de vie mondialisé a permis qu’une épidémie, qui serait autrefois demeurée locale et circonscrite à une ville ou une région, se diffuse parmi les réseaux mondiaux du transport et du commerce pour atteindre le stade de pandémie. À cela s’ajoute la globalisation des chaînes de valeur et leur fragmentation, qui nous rendent extrêmement vulnérables en temps de crise sanitaire globalisée, notamment en cas de fermeture des frontières, de chômage technique et de forte demande mondiale pour certaines matières premières ou certains consommables. Cette fragilité, voire dangerosité, de la mondialisation, doit nous amener à relocaliser certains flux. Il n’est pas question de revenir à l’autarcie ni d’abandonner les échanges mondiaux, mais de permettre à nos économies de gagner en résilience pour faire face aux chocs futurs.

Par ailleurs, l’agriculture et l’élevage tels qu’ils sont pratiqués aujourd’hui dans les pays occidentaux et tels qu’ils se développent au Sud, avec recours à la déforestation, aux élevages intensifs, aux monocultures génétiques, etc, sont autant de pratiques qui favorisent l’émergence de nouvelles maladies et la transmission des agents pathogènes. Les polluants issus de l’agriculture, de l’industrie et des transports, et la consommation d’une alimentation fortement transformée, provoquent en outre des taux élevés de cancers, d’obésité et de maladies pulmonaires et cardiovasculaires, dont la présence constitue le principal facteur de mortalité de la Covid.

Enfin, le réchauffement climatique, en grande partie lié à l’activité humaine, provoque la fonte des glaciers et des sols gelés en permanence (le permafrost). Ce dégel libère d’anciens virus emprisonnés dans la glace, ce qui pourrait créer de nouvelles épidémies liées à des agents pathogènes disparus, comme ce fut le cas en 2016 en Sibérie avec une réapparition de l’anthrax.

Abandonner l’agroindustrie et les activités polluantes permettrait de réduire le risque d’apparition des pandémies, et en réduirait également la mortalité. L’impact négatif des activités humaines sur l’environnement a été largement mis en évidence dans cette crise, mais cela suffira-t-il à un réel changement de cap ?

Les questions d’environnement, de climat, de modèle agricole sont fortement portées par les acteurs d’ECSI. C’est d’ailleurs le focus communication choisi par le Festisol cette année. 

Le lien avec les enjeux sanitaires mis en lumière par la crise nous semble intéressant à deux niveaux (au moins !). D’une part, il nous permet de montrer l’actualité de nos animations sur les enjeux environnementaux, dans un contexte où la crise économique semblerait justifier de revoir à la baisse les engagements à ce niveau. 

Par ailleurs, c’est un exemple symptomatique de l’interdépendance des enjeux sociétaux. A travers le lien entre la crise sanitaire et la crise environnementale / climatique, peut-être pourrions-nous favoriser des réflexions intéressantes sur l’importance de connecter les enjeux sanitaires, environnementaux (mais aussi sociaux, démocratiques, etc).

II/ Une crise qui interroge le fonctionnement démocratique

Les réponses politiques à la crise sanitaire, et en particulier les périodes de confinement mises en place dans différents pays, ont généré de nombreuses polémiques. Dans une démarche d’ECSI, il nous semble pertinent de partager les questions que cela pose de notre point de vue au niveau national et international et de permettre l’expression et le débat citoyen sur ce sujet.

 

a/ Des réactions tardives

Alertés dès le mois de décembre 2019, de nombreux gouvernements ont jusqu’à mi-mars 2020 préféré ne rien faire, ou se sont contentés de mesures légères (recommandation de lavage des mains, affichettes dans les aéroports…), pariant vraisemblablement sur le fait que l’épidémie ne traverserait pas les frontières. Les dirigeants politiques avec une image “d’homme fort” (Donald Trump aux États-Unis, Jair Bolsonaro au Brésil, Vladimir Poutine en Russie…) se sont démarqués par leur empressement à nier la gravité de la pandémie.

Cette crise a été l’occasion de prendre conscience de la forte inertie de responsables politiques qui attendent d’y être contraints pour admettre que leur politique doit être révisée. Les changements de consignes de port du masque en France en sont un exemple.

Les contradictions dans les prises de parole politiques et leur déconnexion avec la réalité pointent l’enjeu de travailler sur les discours des dirigeant·e·s, sur la nécessité d’une pluralité de l’information et de l’existence de médias indépendants de ces mêmes pouvoirs (politiques, économiques, etc). Cela remet en évidence l’importance de préserver des espaces de débat (notamment lors du Festisol) qui permettent l’expression d’une réalité complexe. Cela pointe aussi l’enjeu de la place des citoyen·ne·s dans ce débat démocratique. 

 

b/ Des priorités contestables

Confrontés à la crise, les gouvernements ont dû débloquer des fonds spéciaux en faveur des populations les plus vulnérables et des entreprises. Toutefois, les montants versés, les conditions et les calendriers étaient révélateurs des priorités de chaque pays (ainsi qu’au niveau de l’Union européenne). Le ministre du budget français est même allé jusqu’à lancer un appel aux dons pour financer l’hôpital public.

Le gouvernement français a pointé un prétendu manque de respect du confinement dans les quartiers populaires, où une grande part de la population ne peut télétravailler, tandis que les autres parties de la population faisaient l’objet de davantage de bienveillance, aussi bien de la part des responsables politiques que des médias et des forces de l’ordre.

Dans de nombreux pays du Sud, des mesures de confinement de villes entières ont été décidées sans dispositif de soutien aux populations précaires, forçant des dizaines de milliers de personnes à fuir pour rejoindre, parfois à pied, leurs villages d’origine.

Il a beaucoup été question, en France, de la concurrence entre enjeux économiques et sanitaires (en lien avec la réouverture des écoles, les inégalités dans la répartition des masques, le maintien de certaines activités non essentielles alors que les conditions sanitaires n’étaient pas réunies…). Cette question perdure aujourd’hui. Peut-être est-ce l’occasion d’identifier collectivement comment mieux concilier ces enjeux ? 

Sur la base de notre expérience commune, nous pouvons également profiter d’animations d’ECSI pour poser la question de l’économie en tant que réponse à des besoins sociaux, pour notamment repenser la hiérarchie des activités et revaloriser le secteur du “care” ?

A l’échelle internationale, la possibilité d’une annulation, même partielle, de la dette des pays dits du Sud a été évoquée. Il n’y a finalement eu qu’un report des échéances pour certains pays, mais cet enjeu demeure.

Il y a donc un enjeu pour les acteurs d’ECSI de faciliter la compréhension de cette question complexe et technique, ainsi que la mise en débat des solutions proposées par les acteurs de la solidarité internationale.

Les réponses politiques à la crise sanitaire renvoient à l’importance de la mobilisation citoyenne dans le fonctionnement démocratique. Que ce soit au niveau de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), des instances de gouvernance européennes, des décisions prises et mises en oeuvre à l’échelle nationale, au niveau des départements ou encore des communes, les niveaux d’influence sont nombreux et leurs acteurs sont spécifiques selon les domaines (santé, éducation, culture, environnement, emploi, industrie…).
 
Chaque sphère décisionnelle requiert une compréhension à la fois de ses enjeux et de ses mécanismes de gouvernance, qu’il importe aux citoyen·ne·s de s’approprier. La crise actuele est le théâtre de réponses avec des niveaux de transparence, de légitimité et d’efficacité variables, qui offrent de la matière à nos actions d’ECSI. Elle nous invite à mieux nous approprier ces mécanismes, afin de nourrir des modes de mobilisations citoyennes adaptés. À nous de nous appuyer sur certaines de ces expériences pour ouvrir des espaces de réflexion sur ces sujets, afin de mieux comprendre comment nous les approprier et comment les influencer en tant que citoyen·ne·s, et d’identifier d’autres modes d’action à porter et déployer.

III/ Quelles solidarités pour le monde d’après ?

Les conséquences de la crise sanitaire actuelle auront des années durant un impact très négatif au niveau international comme au local. Comme toutes les catastrophes, celle-ci est déjà utilisée par les pouvoirs néolibéraux afin d’étendre et de consolider les politiques d’austérité, de privatisation, de maintien de l’ordre, de militarisation ou de fermeture des frontières. Mais les crises sont aussi des moments de rupture, de doute, au travers desquels il peut être plus facile d’entrevoir comment fonctionne le monde et ce qu’il pourrait être.

a/ Une relance au service des droits humains

La santé est un bien commun mondial et sa gestion ne peut être confiée aux entreprises privées. Nous en faisons actuellement l’amère expérience : pour combattre efficacement les pandémies, il faut assurer à tou·te·s une couverture sanitaire et un accès aux soins universels. 

Par ailleurs, nous avons vu qu’il est urgent de protéger les écosystèmes afin d’éviter de nouvelles catastrophes sanitaires et climatiques. La relance économique ne doit pas conduire à un renoncement aux législations environnementales, ni étouffer les ambitions écologiques. Au contraire, cette relance représente une occasion de produire et de consommer autrement, en soutenant le commerce et l’économie locales plutôt que les multinationales pratiquant l’optimisation fiscale. À ce titre, un effort est à faire en faveur de la relocalisation de la production, aussi bien pour préserver l’environnement que pour assurer la souveraineté alimentaire et permettre une meilleure résilience des populations en cas de futures pandémies. En France, l’appel “Plus jamais ça, préparons le jour d’après” s’inscrit dans cette perspective.

Il faudra toutefois prendre garde de ne pas céder aux attaques contre la dette publique comme ce fut le cas après la crise financière de 2008. Pour s’en prémunir, l’annulation d’une grande partie des dettes publiques est nécessaire, en particulier celles des pays les plus vulnérables. Mais plus globalement, une réorientation des règles économiques est indispensable, avec notamment une réforme du système fiscal et une lutte plus résolue contre l’évasion fiscale.

 

b/ Réduire réellement les inégalités

Dans un monde traversé par les rapports d’exploitation et de domination, la réduction des inégalités est un enjeu de taille et une question de volonté politique. Il est possible de donner corps aux grands discours solidaires afin de garantir le respect des droits de chacun·e, en assurant, par exemple, à tou·te·s un revenu et des infrastructures leur permettant de vivre décemment, et en protégeant la population des violences et des discriminations.

Nul·le ne devrait subir de violence en raison de son origine, sa couleur de peau, sa religion, son identité de genre, son orientation sexuelle, son poids, son handicap, son âge ou ses opinions politiques. Il faudrait enfin considérer le respect des droits humains comme une priorité et y allouer les moyens nécessaires.

 

c/ Lutter contre les dérives sécuritaires

Drones, vidéosurveillance, reconnaissance faciale et applications friandes de données personnelles comme StopCovid ; toutes ces technologies, qui prétendent garantir notre protection et notre sécurité, mettent les libertés publiques sous surveillance. Il est important de garantir l’indépendance des instances de contrôle et de protection des données personnelles : ne bradons pas nos libertés pour une bien hypothétique sécurité.

Bien souvent, l’effritement des libertés individuelles s’est accéléré avec le confinement de la population. La fin de l’état d’urgence sanitaire ne représente en rien une raison de se réjouir si, comme en France, les dispositions liberticides sont maintenues. Les lois d’exception attentatoires aux libertés fondamentales se veulent, par définition, temporaires, mais tendent bien souvent, hélas, à se normaliser. 

La surveillance policière liée au confinement a par ailleurs donné lieu à de nombreux abus : après l’état d’urgence sanitaire, devront impérativement venir l’analyse et l’évaluation des dysfonctionnements individuels et structurels. Les manifestations contre le racisme et les violences policières témoignent d’ailleurs de l’urgence de cette question.

 

d/ Garder une vision globale des enjeux

La crise sanitaire liée à la Covid-19 ne doit pas occulter les autres problèmes du monde : le paludisme, le VIH, Ebola, la dengue, la peste ou le choléra tuent des centaines de milliers de personnes depuis des années ! Des invasions de criquets ont dévasté de nombreuses cultures africaines et asiatiques, les migrant·e·s meurent encore en Méditerranée et ailleurs, les guerres et les inégalités tuent toujours, le réchauffement climatique s’accélère et les catastrophes continuent de se succéder partout sur la planète… 

La pandémie touche le monde entier, il serait ridicule de vouloir construire les solutions uniquement à l’échelle d’un pays ou d’un continent. Il faut définir de nouvelles règles commerciales et fiscales donnant réellement la priorité aux droits humains et permettant d’éviter de nouvelles catastrophes, à condition que cette définition ne soit pas confisquée par les lobbies et les autocrates, et qu’elle permette l’expression démocratique des citoyen·ne·s.

En guise de conclusion :

La crise sanitaire de la Covid-19 a aggravé la situation du monde, et impacté particulièrement les personnes les plus vulnérables. Les réponses politiques apportées posent de nombreuses questions. Pourtant, malgré un climat déprimant et anxiogène, cette crise n’a pas eu raison des solidarités. Elle a peut-être même renforcé la capacité des citoyen·ne·s à s’entraider au niveau local, comme le montre le développement rapide de nombreuses initiatives lors du confinement. Nous avons ainsi pu voir fleurir nombre de réseaux spontanés d’entraide et se développer une solidarité locale, entre voisin·e·s, à l’échelle des quartiers, entre générations et envers les personnes les plus isolées, vulnérables et précaires.

Cette année 2020 a peut-être été celle du coronavirus, mais elle est également celle des solidarités en action : nous savons nous rapprocher malgré la distanciation physique et les gestes barrières, à défaut d’un repas nous partageons des valeurs. Cette année a aussi été celle des appels à transformer le monde : une foule de tribunes ont été publiées pour réclamer un monde qui protège mieux les personnes, un monde qui fasse passer les vies et l’environnement avant les profits. Les enjeux portés depuis longtemps par les acteurs d’ECSI ont ainsi été réintroduits dans le débat public et ont pu bénéficier d’une meilleure écoute.

Si les actions solidaires en réponse à l’urgence sociale sont indispensables, il est important d’aller au-delà dans la compréhension des enjeux pour porter une solidarité transformative. Les acteurs de l’ECSI ont donc un fort enjeu à connecter ces initiatives solidaires à leurs démarches d’ECSI plus globales.

Depuis plus de 20 ans, les acteurs et actrices du Festisol contribuent à construire ce monde où l’humain, la santé et l’environnement priment sur l’économique, où la solidarité n’a de sens qu’en étant appréhendée de manière globale, afin de contribuer au respect et à l’amélioration des conditions de vie pour tou·te·s, en commençant par les plus précaires. Un monde où la nature et la vie humaine sont reliées, où l’écosystème ne peut être considéré comme une ressource à exploiter. 

Nous avons fait l’expérience à l’échelle mondiale de notre interdépendance avec le reste de l’humanité et du monde vivant. C’est collectivement qu’il nous faut construire le monde qui vient, à partir d’actions de solidarités locales et internationales. Dans ce monde à construire, les populations concerné·e·s et celles qui sont les plus vulnérables auront une place centrale.

Au fil des éditions, les acteurs et actrices du Festisol sensibilisent et mobilisent contre l’injustice, les inégalités et les dominations engendrées par nos sociétés. En 2020, ce travail est plus que jamais nécessaire, et nous continuerons malgré les difficultés à porter nos valeurs de solidarité. Les solidarités ne se laissent pas confiner, il convient de le clamer haut et fort. Le Festival des Solidarités, qui aura lieu du 13 au 29 novembre 2020, sera une nouvelle occasion de continuer à tisser le réseau des solidarités au local et à l’international. Nous pouvons la saisir pour rapprocher les initiatives solidaires récentes des actions d’ECSI que nous portons depuis de nombreuses années. Nous vous invitons à poursuivre cette réflexion ensemble.

Le monde d’après sera solidaire ou ne sera pas !

 

Notes

(1)  “Ce que révèle d’ores et déjà cette pandémie, c’est que la santé gratuite sans condition de revenu, de parcours ou de profession, notre État-providence ne sont pas des coûts ou des charges mais des biens précieux, des atouts indispensables quand le destin frappe. Ce que révèle cette pandémie, c’est qu’il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché.Extrait de la 1ère allocution du Président (12 mars 2020)  

Actualités

Voir toutes les actualités