Le 9 novembre dernier, le CRID organisait l’événement de lancement national du Festival des Solidarités : une rencontre-débat étalée sur deux demi-journées et intitulée « Climat, migrations, inégalités : écoutons les voix des mineur·e·s ».
Ce 20 novembre, nombreux·ses seront celles et ceux qui fêteront les 30 ans de la Convention internationale des droits des enfants (CIDE). Dans ce contexte, cet événement avait pour objectif de porter la parole de celleux dont on n’entend pas assez les voix : les jeunes mineur·e·s engagé·e·s notamment sur les enjeux du climat, des migrations et des inégalités et de questionner avec elleux trente ans de politiques de protection de l’enfance.
Une matinée d’échanges et de revendications
Toute la matinée, dans les locaux de La Fabrique de la Solidarité (Paris, 12e) qui accueillait gracieusement l’événement, une trentaine de jeunes ont partagé leur vision du monde, dénoncé les nombreux problèmes qu’iels observent et exposé les changements qu’iels aimeraient provoquer ou auxquels iels aimeraient contribuer par leurs actions.
Le CRID s’est appuyé sur ses membres et ses partenaires pour inviter et rassembler largement. Les Scouts et Guides de France étaient ainsi représenté.e.s, ainsi qu’ATD Quart-Monde ou encore Artisans du Monde, dont deux ambassadeurs pour le commerce équitable était présents. Autant de jeunes agissant pour des causes qui se croisent sans toujours se rencontrer.
« Au début, on se sent tous égaux. Il n’y a pas de différence entre les enfants. C’est en grandissant qu’on apprend le racisme et tout ça. » Nour.
Pourtant, iels partagent plusieurs constats. Celui d’une société inégalitaire, où jeunes et moins jeunes ne jouissent pas des mêmes possibilités et privilèges selon leur genre, leur statut social, leur couleur de peau, leur religion, leur orientation sexuelle, leur statut migratoire ou encore selon qu’ils résident en ville ou à la campagne, en centre-ville ou en banlieue. Le système éducatif est pointé du doigt, trop tourné vers la sélection et le formatage. Mais le « gouvernement et ses lois répressives et discriminatoires » ou encore les dirigeants de grandes firmes transnationales, qui « font passer l’argent avant les gens et l’environnement » ne sont pas en reste.
« Ce sont les mêmes personnes qui dressent des obstacles, et qui vous disent ensuite quand vous réussissez « c’est bien ce que vous faites. » Florian
Face à cette situation, iels agissent. Localement, comme le Collectif Romain Rolland qui lutte contre la répression des mouvements lycéens à Ivry ou AJ Place qui organise des événements Place des Fêtes, à Paris, mais aussi à l’échelle nationale au sein de l’Union Nationale Lycéenne (UNL) ou en portant des projets à l’international avec Génération Climat (FORIM et FNH). Conscient·e·s de la nécessité de varier les modes d’actions, iels sont plusieurs à organiser des mobilisations massives, comme des militant·e·s de Youth For Climate, ou à prôner le blocage de leur établissement et la désobéissance civile tout en s’organisant pour être visibles et entendu·e·s. L’équipe du média jeune Nous vos papiers prévoit d’ailleurs de publier un article sur la journée.
Rencontres au Palais du Luxembourg
Ces revendications ont été restituées au Palais du Luxembourg devant un large public constitué de représentant·e·s d’associations et d’institutions.
Après le discours d’ouverture de Sébastien Bailleul, délégué général du CRID et l’intervention de Françoise Dumont, présidente d’honneur de la Ligue des droits de l’Homme, deux tables rondes se sont succédé.
Les intervenant·e·s des tables rondes ont été invité·e·s à réagir aux propos des jeunes en s’appuyant sur leur expérience personnelle, militante et professionnelle.
En France, « 80% des enfants migrants qui font des démarches pour être reconnus mineurs sont rejetés ». Isabelle Jénoc (Amnesty International).
Le premier panel – composé d’Isabelle Jénoc, responsable de la Commission droits de l’enfant d’Amnesty International France, d’Arié Alimi, avocat au Barreau de Paris et membre du bureau de la Ligue des droits de l’Homme, de Lyes Louffok, auteur de « Dans l’enfer des foyers et membre du Conseil national de la protection de l’enfance et de Marion Libertucci, responsable plaidoyer UNICEF France – s’est attelé à faire le bilan de 30 ans de politiques de protection de l’enfance.
Globalement, le constat est sombre : « une personne sans-abri sur quatre a eu un parcours à l’aide sociale à l’enfance, a été un enfant placé » dénonce Lyes Louffok qui pointe les défaillances de l’Aide sociale à l’enfance (ASE). Les dispositifs de protection, lorsqu’ils existent, sont complexes et par là, non accessibles de la même manière pour tout le monde, explique Isabelle Jénoc en introduisant la parole de Dionkounda Tounkara, ancien mineur isolé étranger dont les parcours de migration et d’accueil ont été longs et douloureux. Et lorsque les jeunes s’organisent pour faire valoir leurs droits ou les améliorer, iels sont trop souvent victimes de répression et de mesures judiciaires inadaptées. « Pour un enfant une garde à vue c’est extrêmement violent et en tant que victimes les enfants vont aussi être confrontés aux auteurs des violences lors d’un procès, ce qui est très dur » déclare Arié Alimi.
« Le chiffre d’une fillette sur cinq qui subit des violences sexuelles est effarant. En tant que mère, je le vis comme une violence généralisée. […] En tant que mères on a quelque chose à dire et faire là-dessus. » Fatima Ouassak.
Pour la deuxième table ronde, Fatima Ouassak, porte parole du Front de mères, Muriel Salmona, psychiatre et présidente de l’association Mémoire Traumatique et victimologie et Claire Hédon, présidente d’ATD Quart monde, sont intervenues sur la question de la reproduction des inégalités et des discriminations de l’enfance à l’âge adulte.
Pour ces trois intervenantes, c’est en faisant front commun que la situation pourra changer, que ce soit au sujet du racisme, des violences subies ou de la pauvreté, afin d’en contrer l’impact, dès le plus jeune âge. Muriel Salmona rappelle en effet que 77% des enfants victimes de violences sexuelles évaluent comme important l’impact sur leur santé mentale, et Claire Hédon qu’il faut cinq générations pour sortir de la précarité.
Vikash Dhorasoo, ancien international de football et parrain d’Oxfam France conclut : « on est ensemble dans ce combat ». Un appel à se rassembler repris par Hervé Laud, directeur prospective et plaidoyer SOS Villages d’Enfants qui invite, le 20 novembre, à prendre part à la Dynamique de la Convention aux Actes, et Jean-Marc Delaunay (CRID) au Festival des Solidarités du 15 novembre au 1er décembre.
Et la suite ?
Si l’objectif de faire se rencontrer jeunes et moins jeunes autour de causes communes a été atteint avec succès, ce n’est pas pour autant qu’il faut cesser de de porter la voix des jeunes. L’intégralité des échanges de l’après-midi est disponible en vidéo et le live tweet de l’événement est à retrouver sur notre compte Twitter pour quelques morceaux choisis. Retrouvez ici le regard d’Eléanore, service civique à ATD Quart Monde, sur les échanges de la journée et ici et ici les interviews de Laure Grandbesançon dans Paroles d’Ados, sur France inter.