Témoignange de deux étudiantes d’Engagé·e·s et Déterminé·e·s à l’Université d’Eté Européenne des Mouvements Sociaux

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C’est dans le cadre du projet « ECSI on réinventait la Solidarité Internationale de demain » que Claire et Suzanne se sont rendues cet été à Mönchengladbach, en Allemagne, pour participer à l’Université Européenne des Mouvements Sociaux. L’objectif de ce projet porté par l’association Engagé·e·s et Déterminé·e·s est d’aller à la rencontre d’acteur·rice·s de la solidarité interationale pour s’inspirer de leurs pratiques et dessiner de nouvelles formes de solidarité plus inclusives, réflexives et locales. La participation à cet évènement leur a permis de nourrir leurs réflexions sur la solidarité internationale de demain. Elles nous partagent leur expérience.

 

« Nous attendions beaucoup de ce voyage pour rencontrer des spécialistes de la solidarité internationale et de l’ECSI I (Education à la Citoyenneté et à la Solidarité Internationale) et ainsi recueillir leurs points de vues sur la solidarité internationale de demain. Malheureusement, nos espérances se sont réduites quelques semaines avant le début du voyage en voyant que tous les ateliers sur la solidarité internationale et l’ECSI ont été supprimés. La déception continua en arrivant à Mönchengladbach sur le campus et dans les ateliers en voyant qu’il y avait beaucoup moins de représentant·e·s des pays des sud comparé à l’année dernière à l’Université d’été des Mouvements Sociaux et des Solidarité de Nantes. Nous avons donc décidé, à moindre mesure de changer de stratégie et de simplement écouter et interroger des mouvements sociaux européens sur leur vision. Même si les mots « solidarité internationale » n’étaient pas dans les titres des conférences, les thèmes du décolonialisme, de l’intersectionnalité, de la dette, de l’extractivisme, de la paix, de transition juste, des travaileur·euse·s sans papiers, d’islamophobie, de mouvements sociaux en Afrique, en Amérique du Sud et au Kurdistan, impliquant une solidarité internationale, ont largement été évoqués au fil des ateliers, et nous en avons été agréablement surprises.

Dans les ateliers et plénières sur le climat, la problématique d’une transition juste, c’est-à-dire une transition écologique et de justice sociale, a été très présente, admise, intégrée et assumée par toutes et tous. Pour les ONGs, mouvements et syndicats présents, il fallait donc revoir notre vision de la transition écologique et notamment énergétique, pour que la transition de l’occident n’ait pas d’impact négatif sur les pays des sud. Ainsi les voitures électriques, les panneaux solaires, les usines nucléaires et les éoliennes ont bien été remises en question pour leurs impacts écologiques liés à l’extraction des matières premières dans des mines qui sont pour la plupart du temps dans les pays des sud. En réponse à ces faits, les activistes ont parlé de sobriété et de la limitation de nos consommations. Le concept et les revendications de la décroissance y ont été complètement assumés. Ainsi la transition juste c’est la transition en solidarité avec les suds.

La demande de suppression des dettes des pays des sud a aussi fortement été présente, portée par des ONG et syndicats. C’est aussi une forme de solidarité internationale. Plusieurs mouvements des suds anti-dettes, qui sont très forts et présents dans les suds, font la demande aux mouvements sociaux européens de les soutenir pour exiger à leur état la suppression de la dette. Ainsi en octobre sera lancée la campagne mondiale Debt for climate (Annulons la dette pour le climat !) pour la suppression de la dette, en faveur de la transition juste. Cette revendication est portée, d’une part auprès des instances politiques par des plaidoyistes venant des suds et par les syndicats des suds et européens, et d’autre part auprès de la société civile, au nord comme au sud, avec des actions publiques organisées par différents mouvements sociaux et écologistes.

Nous avons aussi vu les jeunes mouvements pour l’écologie qui, peut-être sans le savoir, font dans leurs revendications de la solidarité internationale. Par exemple, Friday for Futur, Youth for Climat, Climaximo et d’autres mouvements de jeunes pour le climat ont décidé de bloquer les universités partout en Europe pour demander à leur gouvernement d’arrêter d’extraction d’énergie fossile au nord comme au sud. C’est le mouvement End fossil Occupy. Là aussi, ils luttent contre les ravages de l’extractivisme fait par les états ou compagnies privées occidentales dans les pays des suds.

Enfin, l’intersectionnalité a fait le sujet d’un forum en plénière et de plusieurs ateliers, où Génération Lumière est intervenu comme témoin d’une organisation qui met en place ce concept au quotidien. L’intersectionnalité est un terme utilisé, au départ, pour dénoncer les discriminations spécifiques sexistes et racistes donc font l’objet les femmes racisées. La notion a évolué pour désigner des espaces où se rencontrent revendications antiracistes, féministes, mais aussi écologistes, décoloniales et d’autres luttes pour l’émancipation et le progrès social. Les panélistes ont insisté sur la nécessité de développer ces perspectives intersectionnelles dans les mouvements de solidarité. Cela implique de laisser des espaces de pouvoir et d’autonomie en particulier aux personnes racisées, habitantes et/ou issues des pays des suds. Là aussi, il s’agit d’intégrer les personnes racisées aux débats écologistes et sociétaux car ils sont porteurs d’autres réalités et d’autres visions.

Pour notre groupe de réflexion sur la solidarité internationale de demain nous retenons que pour toucher et inclure les syndicats des nords comme des suds à la solidarité internationale, il faut leur parler de la suppression de la dette, car c’est un sujet qui les touche particulièrement. Aussi nous pourrons réfléchir à l’inclusion des syndicats et de tous les travailleurs dans nos réflexions sur la solidarité internationale et l’ECSI de demain. Ils sont en effet, forts de par leur lien avec les dirigeants et les patrons qui eux-mêmes ont un très grand impact sur l’environnement, les économies et les sociétés. Si les travailleur·euse·s étaient plus sensibilisé·e·s à l’impact de leurs actions dans d’autres pays, [iels seraient plus à même de participer à la dénonciation voire à la correction de ces injustices.]

Penser la transition juste comme une réflexion plurielle, c’est à dire intersectionnelle, avec des acteurs des suds et des nords, est aussi une réflexion que nous pourrons avoir. Comment la SI peut être un moyen de penser des transitions les plus justes possibles pour toutes et tous ?

De plus, nous avons bien vu à l’Université Européenne des Mouvements Sociaux que la solidarité internationale est de plus en plus multilatérale. Il ne s’agit plus que d’un simple échange entre deux nations, mais bien du mouvement de plusieurs pays qui s’allient au nord pour limiter leurs impacts aux suds comme par exemple pour le mouvement End Fossil Ocupy, ou bien du mouvement de plusieurs pays des suds qui s’allient avec des mouvements des plusieurs pays des nords pour mener une campagne mondiale. Non seulement ce sont plusieurs dizaines de nationalités qui travaillent ensemble pour la suppression de la dette, mais en plus ce sont plusieurs acteurs (des ONG, syndicats, mouvements et des plaidoyistes).

Enfin, nous avons vu de la part des mouvements qu’il y a une vraie volonté de mettre fin au néocolonialisme. Ce sera peut-être une question centrale dans nos réflexions.

Finalement, nous ne sommes pas déçues du voyage. Ce n’est en effet pas parce que les termes de la solidarité internationale n’ont pas été prononcés à l’Université Européenne des Mouvements Sociaux, que ce dernier n’a pas été solidaire avec les suds par ses réflexions et revendications. Cela nous a beaucoup inspirées pour notre groupe de travail et nous espérons que nos contacts pris sur place pourront continuer à alimenter nos réflexions sur la solidarité internationale de demain. »

Claire Lhermitte et Suzanne Hilaire

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